Réhabiliter l'ancienne chapelle des Sœurs Augustines Hospitalières du Clos (29 rue Monte au Ciel à Douarnenez)
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Le Monastère des Augustines
29 Rue Monte Au Ciel
29100 Douarnenez
Je n'ai jamais vu Albert Lohier. Je n'ai jamais parlé avec lui. Lorsqu'il meurt en 1986 je viens tout juste de quitter le lycée pour commencer mes études à l'université de Brest. Elles se termineront quelques années plus tard à Rennes par une thèse de doctorat en Histoire sur les prêtres marins. C'est là que j'ai rencontré Albert Lohier. C’est dans ce travail que j'ai appris l'existence de cet homme. C’est là que j'ai connu la vie qui l'animait.
Rencontrer un homme par delà la mort n'est pas une affaire de spiritisme. La démarche scientifique vérifiée par d’autres tout au long d’un travail qui mène à soutenir une thèse dans une université laïque de France n’est pas non plus compatible avec l’hagiographie, ni même avec l’hommage, encore moins avec le prosélytisme.
Pour rencontrer Albert Lohier, j’ai pris connaissance de ce qu'il nous a laissé comme traces vraies de lui. Albert Lohier a écrit. Comme signes de ce qu'il est, il nous donne encore à lire aujourd'hui ses poèmes. Ils sont une mise en forme magnifique de ce qui le fondait. Sa famille, sa communauté, son pays. Bien mieux que moi, des femmes et des hommes de Normandie peuvent évoquer cet homme là.
Albert Lohier a aussi posé des mots sur ce qu'il a vécu comme marin. Sans y mettre une forme particulière, il a confié à des pages de courrier toutes les richesses et toutes les détresses du marin qu'il devenait. C’est dans ces mots là que je l’ai reconnu. Je suis Breton de Douarnenez, d'une famille de marins pêcheurs, éduqué dans le respect et souvent dans l’admiration de ceux qui s’éloignaient des côtes pour gagner l’existence des leurs dans des conditions de travail inhumaines. J’ai pu percevoir dans cet homme qui se confiait en phrases, toutes les interrogations, toute la joie et toute la souffrance d’un homme qui devenait marin. Il ne l'était pas. Il connaissait le métier depuis la terre. Il l'a connu ensuite par les récits des jeunes militants de la Jeunesse Maritime Chrétienne qu'il accompagnait, comme aumônier. Et puis le prêtre a embarqué. Au départ pour connaître un peu mieux ce métier des marges. Il est devenu un prêtre maritime. Et puis il a commencé à devenir un marin. Il est devenu un prêtre marin. Il a descendu petit à petit tous les barreaux de cette échelle d'incarnation qui conduit à être proche de ceux qu'il pensait instruire. Il est devenu marin et est demeuré prêtre à partir de ce qu’il devenait.
Albert Lohier a réussi ce que peu d’hommes ont pu accomplir. Il a vécu ces deux états. Celui de l’ouvrier de la mer, celui du marin, et celui du prêtre. Rome n’a jamais cru cela possible. En 1954 puis en 1959, le gouvernement de l’Eglise catholique considère le travail et les engagements ouvriers comme incompatibles avec l’état et la fonction de prêtre. « Rome condamne », comme le titrent les journaux à cette époque. Albert Lohier, lui, a gardé son cap. Sans louvoyer. Il a obéi à son Eglise, il a aussi obéi à sa conscience d’homme et de serviteur des hommes en demeurant le proche de ceux de la mer, dans son port, et dans les activités salariées qui lui permettaient de ne pas re-devenir le curé de presbytère qu’il ne voulait plus être.
Un homme de la mer par sa famille et son pays. Un converti de la mer par le choix qui s’est imposé à lui de partager la condition des plus humbles, des moins proches de son Eglise. Un prêtre, au service de cette Eglise. Un homme, entier, solide et fragile, conscient des vanités de ce monde mais persuadé de la fécondité des paroles, des gestes et des mots posés en vérité.
C’est tout le mérite de Charles Cerisier, son ami, d’avoir perçu cette transversale de la vérité qui traverse toute l’existence d’Albert Lohier. Elle est présente chez l’enfant, l’aumônier, le prêtre marin, le militant, l’écrivain. Elle est présente dans toutes les périodes que traverse l’homme : le temps de la découverte et de la vérification de sa vocation, celui de la guerre, celui des embarquements, celui du travail à terre, celui des poèmes. L’esprit demeure le même sur le chemin emprunté par Albert Lohier dans sa recherche de la vie et de la vérité. Merci à Charles Cerisier d’avoir exhumé des boîtes d’archives les mots et la voix qui nous permettent aujourd’hui de lire et d’écouter un homme que ses racines et son humanité profondes rendent très souvent universel.
Alain Le Doaré
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